Elle se réveille lentement. Les tambourins qui jouent sans fin sous ses cheveux châtains amènent sa main sur son front. Tout était si doré ...
____________ Mais, encore une fois, ça n'était plus qu'un souvenir.
Un pied frôle le sol mou. Ou se trouve t'elle ? Ah. La mémoire qui recommence. Mais comme ça peut être utile parfois ...
Ses doigts de pied se crispent, en guise d'étirement sommaire. Elle se lève doucement, le mal de tête la maintient dans une torpeur dont elle désire plus que tout se débarrasser. Elle n'aime pas cette sensation, celle de ne plus savoir qui l'on est et de ne plus être simplement capable de réfléchir. ___________ Une aspirine. Direction salle de bain.
Quoique, si ça pouvait encore une fois empêcher les souvenirs de remonter à elle ... Ne pas y penser, non, pas maintenant. Ses pieds savourent le contact doux et chaleureux de la moquette. Elle se rappelle qu'il lui faut faire un ou deux sacs rapidement dans la matinée. Le départ est proche, elle le réalise maintenant. Le mal de tête se dissipe avec le cachet magique, c'est l'affaire de deux gorgées.
Un bol préparé à l'avance l'attends dans le salon, comme prévu. Les yeux presque clos, elle avance dans cette maison qu'elle connaît si bien et ses doigts tâtonnent à peine pour trouver l'interrupteur. Aïe. La lumière est encore trop forte pour ses yeux engourdis.
Volontairement aveugle, elle avale les céréales qu'elle déteste - les seules que Natty acceptait d'acheter - sans trop grimacer et file dans sa chambre pour enfiler quelques vêtements propres. La douche attendra l'arrivée, après tout, l'oncle a bien ça quelque part dans sa fichue ferme. Quelle idée, pense t'elle pendant que sa tête se faufile maladroitement dans la manche gauche de son pull, de m'envoyer là bas. "Comme si l'air frais et le fumier étaient ce dont j'avais besoin pour me changer les idées".
Mais en vérité, elle sait qu'elle a besoin de quitter cette maison, ce milieu, cette ville
(Cette vie)
Et espère que peut être les souvenirs si difficiles à enterrer y resteraient, enfouis à jamais et oubliés de tous, et qu'elle pourrait partir en paix, pour un nouveau départ.
____________ Mais c'était comme son rêve, illusion et utopie. Le violent fantasme de partir loin de tout - et vite - la hantait jusque dans ses nuits.
Une voix féminine grimpa les escaliers en grinçant.
- Elvire ?
- Oui ?
- Prête ?
- Prête. Dans une seconde, promis.
- Dépêche toi, soupira la voix, on te l'avais dit qu'il fallait que tu mettes ton réveil un peu plus tôt.
- Oui, Natty.
Mais elle ne l'avais pas mis du tout, ce réveil. Sa mémoire se chargeait elle-même de la tirer du sommeil, toujours à la même heure. Les mêmes images, les mêmes son cristallins ... bref. __________ Inlassablement.
Peut être qu'elle voulait le rater, cet avion, se surprit t'elle à penser alors qu'elle jetait quelques vêtements en vrac dans une valise de voyage. Pourtant, c'était sa porte de sortie. Temporaire, certes, et peu fiable quand à l'efficacité de la destination, mais pour le moment elle représentait sa seule option. Elle ne pouvait tout simplement pas refuser. Ç'aurait été une condamnation intérieure - et stupide de surcroît -, il aurait fallu qu'elle trouve un autre moyen de s'évader de ce quotidien oppressant et si lourd de souvenirs. Et elle n'avait franchement aucune autre idée qui fut raisonnablement réalisable. Ce n'était pourtant pas faute d'avoir cherché.
- Donne moi tes valises, petite maligne. Tu crois que tu vas avoir toujours quelqu'un pour t'aider à porter cette masse de vêtements et de maquillage ? Lança Richard avec un sourire, en bas de l'escalier.
- L'oncle va bien pouvoir faire ça pour moi, répondit froidement Elvire, qui peinait sous l'effort.
Le visage de son logeur (comme elle l'appelait pour parler de lui à l'extérieur) se crispa. Il n'aimait pas cette façon de voir les choses; Elle le savait et s'en fichait. Il devait bien avoir remarqué que depuis quelques temps elle pouvait devenir légèrement irritable.
Le trajet en voiture jusqu'à l'aéroport se fit dans un silence un peu lourd pour tout les deux. La radio ne marchait plus depuis qu'un des gamins que gardait Natty pour arrondir ses fins de mois s'était allègrement amusé avec les boutons. Le visage collé à la fenêtre, rebondissant nerveusement lorsque la voiture traversait une dépression, Elvire essayait de s'imaginer avec morosité à quoi pouvait ressembler cet oncle qu'elle n'avait jamais vu. Et surtout cette ferme dont Natty et Richard avaient tenté de lui expliquer le quotidien. Selon ses souvenirs, basés sur ce qu'elle avait bien voulu entendre de leur discussion, il s'agissait plutôt d'une sorte d'élevage de chevaux et de vaches. Ils avaient vaguement parlé d'un rôle que la ferme de cet oncle - apparemment nommé Jack - avait dans la tradition locale, un type de festival fermier. Chouette, pensa-t-elle avec sarcasme. 'Manquait plus que ça. Elle tâcherait d'avoir la réponse à cette question plus tard, car elle se refusait à la poser à Richard. Elle se mit à penser que d'après son prénom, l'oncle devait avoir une quelconque origine américaine, ou du moins un arrière goût anglais. Elle se demanda avec une grimace si il portait un chapeau de cow-boy et parlait avec l'accent d'une vache espagnole.
Lorsqu'ils arrivèrent au petit aéroport de province, Elvire respira ce qui devait être sa dernière goulée d'air de ce lieu si familier avant bien longtemps, mais elle ne le savait pas encore. Rien que de penser à son retour, qu'elle croyait dans quelques jours, son ventre se tordit étrangement et elle secoua la tête. « C'est vrai qu'il vaut mieux ça que rien ». Elle dit au revoir à Richard avec toute l'affection qu'elle pouvait mettre en ce moment, c'est-à-dire peu de choses. Celui-ci ne lui en voulait pas. Ils avaient vécu beaucoup de moments mémorables - en bien ou en mal - ensemble et il n'allait pas s'offusquer pour si peu; après tout, il la connaissait.
- Aller, profite bien. Ne te lève pas trop tard ...
- Comme si c'était dans mes habitudes.
- Mange de tout ...
- C'est pas un problème, tu sais bien.
- Et soit gentille. Il a tout de suite proposé de t'emmener chez lui, tu sais. Ça lui paraissait naturel. Il est certain que tu va aller un peu mieux car il a un sacré programme à te proposer, dit Richard avec un sourire en coin.
Elvire fut interloquée.
- Comment ça ? Il ne va pas me faire traire les vaches, non plus ?
- Râleuse. Je ne te dit rien, ça va te gâcher le plaisir, lança-t-il avec un clin d'½il. Allez, saute dans l'avion et essaye de te mettre dans le crâne que, peut être, tu vas passer des bonnes vacances. Je sais que c'est difficile, reprit t'il avec plus de sérieux. Mais c'est malheureusement tout ce qu'on a à te proposer pour l'instant. Tu sais que plus tard ...
- On sera mieux organisés, oui, je sais.
Il sourit avec affection. Il lui déposa un léger baiser sur la joue, lui fit le sourire contrit de celui qui savait qu'il devait dire au revoir à sa protégée, mais qui avait du mal à la voir partir seule. Cependant, c'est amusé qu'il la regarda partir laborieusement, ses trois valises en équilibre précaire sur un chariot à moitié bancal. Il soupira et remonta en voiture.
« J'espère qu'il sait à quoi s'attendre », se dit il en démarrant.
Sn00w, Posté le vendredi 10 janvier 2014 08:25
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